top of page

Firmin MARCHAL

Chiny

1916

 

Véritable tchinot, on le rencontre principalement dans les forêts, les champs et les jardins. On le retrouve aussi aux abords de la Semois.

Son hier, c’est surtout une époque consacrée au travail dans les laminoirs de la région (Blagny et Mouzon). Fer rouge, feu et poussière pour un "enfer“ (comme il dit) loin de sa rue du Paradis d’aujourd‘hui. Son hier, ce sont aussi les marques de la deuxième guerre mondiale. Mobilisé dès 1939, Firmin se joint aux groupes de résistants locaux jusqu’à être fait prisonnier par les Allemands à Arlon". J‘ai toujours essayé d’oublier la guerre mais c’est épouvantable. Il fallait tuer“. La pudeur de son commentaire trahit la douleur de cette époque. La jonction de son passé et de son présent se fait notamment autour des méandres de la Semois. Passeur depuis 1937, Firmin continue à conduire ces petites embarcations qui sillonnent notre belle rivière de Chiny à Lacuisine. Rien de nos paysages contrastés ne lui est étranger. Il connaît chaque sentier pour les avoir parcourus, chaque rocher pour les avoir observés. Le tchinot travaille quotidiennement au contact de la nature, toutes les saisons lui offrent des occupations variées : des petits travaux de printemps à la réfection des ponts, en passant par le jardinnage ou le bûcheronnage. "Je n’arrive jamais à ne rien faire. Je bricole à tout. Tant que je pourrai, je ferai tout. Je n’irai pas dans un home…“

 

Et puis, la vie de Firmin, c’est aussi une vie qui réfléchit sur elle-même et sur celle des autres. Il trouve le monde actuel plus compliqué, tiraillé entre chômage et taxes. La machine a, selon lui, absorbé l’homme : "Avant, il fallait douze personnes pour un laminoir et pour produire 8 à 9 tonnes de tôle.

Aujourd’hui, trois au maximum suffisent pour produire 20 tonnes. Il n’y a plus qu’à appuyer sur des boutons“. Les questions de politique inter-nationale et d’humanité l’interpellent comme elles interpellent le monde. Reste qu’à Chiny la vie est toujours aussi sereine et tranquille même si beaucoup de ses compagnons ont progressivement disparu…

Lucien GOFFINET

Sainte-Cécile

1920

 

Regard fixé sur un vécu, mots légers, abondants, flots de paroles. Attention, Lucien raconte.

A lʼépoque, il existe deux écoles. Dʼun côté, il y a lʼétablissement dirigé par des soeurs et destiné aux filles. De lʼautre, il y a lʼécole pour les garçons. Celle de Lucien. En 1969, les deux établissements fusionnent : les soeurs enseigneront aux trois premières anéées primaire, Lucien préparera les autres aux examens cantonaux. Jusquʼen 1981, année de la retraite.

“De belles années, de belles réussites”. Au hasard des voyages, des balades, des sorties, il arrive à Lucien de rencontrer dʼanciens élèves. Parmi eux, certains lui disent : “Cʼest avec vous que jʼai le plus appris”. Dans école primaire, “primaire” ne signifie pas rudimentaire, il dit plutôt “essentiel, fondamental”.

Les murs de lʼécole accueillent aujourdʼhui une petite vingtaine dʼélèves. Ce ne sera peut-être pas suffisant pour la maintenir. Des parents ont créé le 1er septembre dernier un système de garderie pour accueillir les plus jeunes dès sept heures du matin. Il faut absolument garder les enfants au village si on veut lui préserver une vie.

Marie BEAUCLAIRE

Chiny

1953

​

Magicienne : transforme le lait en beurre doré et en fromage typé. Bavarde : ne tombe jamais à court de mots.

​

Thirifays est à vendre à Chiny. Le couple visite l’endroit le 15 novembre 1990. En avril 1991, il y emménage avec ses 100 bêtes de l’époque. Aujourd’hui, ce sont 140 vaches laitières qui broutent paisiblement l’herbe des 28 hectares du domaine.

Lever vers 5 ou 6 h du matin, travaux agricoles et ménagers, coucher vers 23 h, pas de vacances... 

Rien ne laissait supposer qu’elle rejoindrait le monde rural. Au début, le poids des “traditions”, des habitudes à respecter lui posaient quelques difficultés d’adaptation. Mais, Marie a eu vite fait de trouver une solution : sur les conseils de son frère, Éric, elle s’est spécialisée dans la fabrication de fromages. Cette activité qu’elle appelle “sa création” a défini sa place au sein de la ferme. Et quelle place ! Le fromage qui se dégustera en une poignée de minutes nécessite des heures de travail pour traire, écrémer, fermenter, égoutter, presser, tamiser, fermenter à nouveau puis finalement peser et emballer

En plus du temps, c’est toute une famille qui s’investit : le fils à l’égouttage, le père à la pesée et à l’emballage, la fille à la livraison et Marie... qui touche à tout. S’ajoute pour chacun d’eux le travail des champs : épeautre, froment, maïs sont cultivés pour nourrir les vaches.

“On dépend de beaucoup de personnes. Les anciens étaient plus libres que nous”, c’est ainsi que Marie exprime les maux qui pèsent sur l’agriculture actuelle. La réglementation autour du lait (et des autres produits fermiers) est lourde : ferments, germes, matières grasses sont strictement contrôlés. Les prix d’achat au producteur fluctuent tandis que les prix de vente restent pratiquement identiques. La perpétuelle mise aux normes nécessite de nouveaux investissements. Les récentes crises ont en plus effrayé le consommateur et dévalué les prix... De telles contraintes l’interrogent, elle qui ne souhaitait pas que ses fils entrent dans le métier. Mais le “gêne rural “ est bien là et se transmet de génération en génération. Tout un univers en somme. Au delà de toutes ces circonstances qui font qu’en agriculture, on est autant “comptable que secrétaire qu’ouvrier...”, le quotidien de Marie est aussi rempli de rencontres et d’échanges.

La famille a arrêté de livrer à domicile, exception faite des aînés. Ces derniers aiment les produits de la ferme, le lait cru qu’ils avaient l’habitude de consommer. Et puis, c’est aussi l’occasion d’une petite visite. Et des visites, il y en a bien d’autres : on vient au Thirifays faire provision de beurre, d’oeufs, de maquée... et de chaleur humaine.

Sans oublier la famille. Très tôt, les enfants sont appelés à prendre part à la vie de la ferme, même dans ses plus petits travaux. Selon Marie, ils acquièrent de cette façon des auto-matismes qui agrémentent la vie de tous les jours. Responsabilité se marie à respect et font naître complicité.

Frédéric COPPIN

Lambermont

1986

​

Réservé. Timide. Lecteur. Auteur. Aime polar, fleurs et aventures...

Frédéric Coppin est un adolescent d’aujourd’hui et de tous les jours. Il habite Lambermont et vient d’achever son cycle secondaire à l’Athénée Royal d’Izel. Orientation générale scientifique. Dans quelques mois, il s’installera à Gembloux pour suivre un graduat en horticulture. Parcours “normal” en somme. Mais derrière chaque “normalité” se trouvent vécu, sensibilité, affinités... Frédéric ouvre son univers.

 

Frédéric se dit curieux de nature. Aux deux sens du terme. Il est naturellement réceptif à ce qui l’entoure, au monde qui s’agite, se transforme autour de lui. Il est aussi attiré par l’environnement dans lequel il vit. Faune, flore, paysages.... lui inspirent décontraction, temps de vivre, de bien vivre. Il affectionne nos régions rurales pour la convivialité, la proximité qu’elles dégagent. Et même si dans quelques mois, il ira éprouver l’aventure urbaine, ce sera pour mieux revenir. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage... Voyage en kilomètres, voyage en livres : en réalité, tout n’est qu’ouverture d’esprit.

Madeleine RENARD

Les Quatre-Vents

1940

​

Paradoxe. Réservée mais bavarde. Conservatrice mais généreuse. Géographiquement isolée mais tellement accueillante.

Une vraie gaumaise, c’est quoi ? Une personne qui aurait vécu toute sa vie en Gaume. Mieux, toute sa vie au même endroit. Mais la définition dépasse l’origine géographique. Elle renvoie plutôt à une identité qui a conscience d’elle-même,de ce qui la fonde. Elle fait entendre un mode de vie bien particulier. Une chaleur humaine toute inscrite dans une personnalité. Madeleine Renard est une de celles-là.

 

Un lieu, une famille

Les Quatre-Vents. Le lieu-dit résonne comme un souvenir, un rappel des anciens qui baptisaient les endroits selon leur configuration, leur localisation, leur singularité…

Madeleine habite la hauteur d’Izel depuis toujours. Elle y est née, comme sa mère, comme ses propres enfants qui y ont grandi. Ses racines sont plantées aux Quatre-Vents.

Ses grands-parents y établissent une ferme qui sera reprise par ses parents. Une ferme d’une certaine envergure pour l’époque. Dans les années 50, on pouvait y dénombrer une quinzaine de vaches laitières, des poules, des lapins, quelques cochons… L’endroit est géographiquement éloigné des villages voisins. Même si Izel est juste en bas, on y va rarement. Madeleine et ses trois frères sont en permanence avec leurs parents. Ils sont une aide utile pour les travaux de la ferme. Mais l’alliance s’explique surtout par une complicité illimitée. Il n’y a qu’à voir les photos que Madeleine a méticuleusement conservées. Tous ses parents posent radieux, unis, complices.

 

Un lieu, des rassemblements

Les Quatre-Vents, c’est aussi le nom du café tenu par la famille. On l’appelle encore « Au Mahillon », nom du grand-père de Madeleine. L’influence de la gare d’Izel marque le carrefour. Dans la première moitié du XIXème siècle, la gare locale est l’un des principaux arrêts. Saint-Vincent et Bellefontaine ne sont que brièvement visités par le train. Les marchandises affluent dans la région : charbon, pommes de terre, matériaux pour l’entreprise Goffette… Les gens aussi. Le café des Quatre-Vents leur permet de se désaltérer, de se distraire au coin d’une partie de cartes, de trouver le réconfort d’une conversation. Souvent, on frappe à la porte pour demander son chemin, solliciter une aide pour réparer une voiture ou un vélo en panne. Tout un petit monde gravite autour du foyer Mahillon.

En 1953, une partie du bâtiment est détruite pour construire le carrefour tel qu’il est aujourd’hui. En 1965, le père de Madeleine reprend un commerce de bières. On interrompt l’agriculture comme le café. En 1990, les tempêtes mémorables arrachent le toit. La maison a bien changé depuis ses débuts. Des générations s’y sont succédé. Des gens s’y sont trouvés puis perdus. Mais une chose reste : sa chaleur.

Madeleine ne se verrait nulle part ailleurs. Chaque matin, il lui suffit de regarder par l’une des nombreuses fenêtres pour en être convaincue. Depuis la hauteur, elle aperçoit Izel, Moyen, un coin de Les Bulles. Avant la construction du quartier voisin, il lui était possible d’entrevoir Florenville. Tous ces points de repère lui rappellent qui elle est, d’où elle vient. Toute cette étendue lui insuffle un optimisme sans limite. Et ce bonheur qu’elle voit au quotidien, elle aime le partager à quiconque vient frapper à la porte des Quatre-Vents.

Jérôme Didier

Florenville

1984

​

Bricoleur. Souvent plongé dans un amas d’outils, de machines, de matériaux en tout genre.

Jérôme Didier, 19 ans, a mis les pieds dans le bois il y a 5 ans. Une passion en amenant une autre, il rêve de devenir luthier.

 

Et puis l’amour contient aussi son lot de rêves. Celui de Jérôme, c’est de faire jaillir de la musique des écorces. Son professeur, Christian Marlier, lui a tant partagé le goût du métier qu’en même temps, il lui a transmis la folie de la lutherie.

Cet art demande encore plus de précision. Quelques millimètres seulement d’épaisseur de bois servent à créer l’instrument. Le luthier utilise des matières nobles qui nécessitent une attention toute particulière.

Jérôme est lucide : il lui faudra attendre encore quelques années avant de créer son premier instrument. Mais quel instrument ! Un violon fait de noyer, d’ébène et de... passion.

D’ici là, il envisage de s’installer ébéniste dans un petit village du Beau Canton de Gaume où fleurent bon la tranquillité et la proximité. Quelques années d’apprentissage chez un patron précéderont encore son installation. Mais n’est-ce pas petit à petit que le rêve devient réalité ?

Lieve DE HANTSETTERS

Prouvy

1950

​

Léger accent qui vient du Nord, regard chaleureux sur le Sud...

Il y a 11 ans, Lieve s’installait à Prouvy en compagnie de son époux. Originaire d’Anvers, elle a habité la ville durant 40 ans.

 

Et puis, la Gaume renferme toute une atmosphère qui a entièrement séduit Lieve. “Le microclimat, il est dans le coeur des gens”.

 

 

C’est dans l’incertitude d’une expé-rience qu’elle puise son énergie. La campagne est une source permanente de ressourcement et d’émerveillement. Le calme ambiant, la nature et le silence participent à son bien-être. Loin de la “vitesse turbo” de la ville, ici, on apprend à prendre son temps. Chaque jour, Lieve s’impose de prendre conscience de ses chances. L’air pur, le ciel bleu et les liens authentiques qu’elle a tissés enchantent son quotidien. C’est ce qu’elle appelle la qualité de vie. Et comme tout ce qui est rare, c’est “cher” (comprenez “précieux”).

Lieve a tellement pris goût aux rythmes de nos campagnes qu’elle prépare elle-même son pain, ses confitures, le vin au pissenlit. Plus qu’un plaisir de table, c’est avant tout du temps pris pour soi et pour le communiquer aux autres. Le jardinage suscite les mêmes joies. Se réjouir de la nature qui pousse en prenant le temps. “En ville, ils ont la montre. Nous, nous avons le temps”. Lieve a opté pour un état d’esprit résolument positif et entreprenant. Mais son vécu montre qu’avancer n’est pas courir, au contraire. Avancer, c’est parfois se retourner vers soi, vers l’autre, vers l’authenticité. C’est aussi adopter un cadre de vie propice à son équilibre. Des rencontres y aident. Lieve remercie d’ailleurs ceux qui partagent son petit coin de paradis à Prouvy.

Numa BALON

Florenville

1924

​

Discrète sur sa personne, volubile sur les anecdotes. Dégage convivialité, douceur et bienveillance...

S’il est bien un endroit qui compose avec la rencontre, c’est le café. Gens du coin, gens de passage, gens de partout s’y croisent, échangent quelques mots complices ou drôles. Puis, s’en vont comme ils sont venus. Le quartier avait aussi ce trait de convivialité inscrit dans son centre : le café Balon. Intersection de la rue principale et de la rue Nicolaï, réunion des gens des Epérires... Aujourd’hui, Numa Balon a ouvert la porte de cet univers pour en communiquer toute la chaleur humaine.

 

Expériences et rencontres

Numa naît à Villers-devant-Orval en 1924.

 

Le grand-père Liban” a reperé une maison aux Epérires. La famille s’y installe en octobre 1934.

A l’origine, il n’était prévu d’en faire un café. Mais pourquoi pas ? Le quartier ne dispose pas encore d’un lieu de rassemblement identifiable. En 1935, c’est chose faite. En plus du verre qui réunit les amis, un jeu de quille distrait les habitués. Les parties de carte éveillent les complicités et les chamailles. Et puis, 4 ou 5 fois par an, il y a les bals-musette. L’accordéoniste, un gars de Gérouville, s’installe dans le coin, sur l’estrade, et inonde les pieds de rythmes à danser.

 

raverser la rue pour partager ses petits plats avec ses neveux. Les enfants de ces derniers ont d’ailleurs grandi auprès d’elle. Elle leur a transmis le plaisir des balades dans la nature. Et quelles balades ! La Concille, les quatre Chemins, Chassepierre, Laiche ou encore Fontenoille, Sainte-Cécile, Le Breux composent les parcours pédestres ou à vélo... Une vie consacrée à donner un peu de soi, en somme.

 

Tout village qui se respecte comporte un lieu de rassemblement. Un endroit où l’on se sent le bienvenu, où l’on sait qu’on y trouvera un complice. C’était aussi ça, les Epérires.Cà l’est d’ailleurs encore . Il suffit de voir l’affection qui unit parents, amis et voisins.

Marcel GOBIN

Moyen

1928

​

Bottes de sept lieues, chaussures de vaire, escarpins, mocassins, baskets, … il sait tout faire

En 1949, il devient indépendant. Les commandes affluent. Le marchand de Florenville visitait alors ses clients pour la vente et la réparation des chaussures qu’il confiait aux bons soins de Marcel. 

 

Le travail était à la fois conséquent, accaparant mais tellement beau : la main de l’artisan réalisait la botte jusque dans ses moindres coutures. Une râpe, un morceau de verre, du papier de verre, de la cire et voilà la bottine prête à soutenir le pied dans tous ses élans.

 

 

 

Certains soirs, Marcel se souvient avoir reçu des amis, rue des Marronniers, pour des parties de cartes. Tandis que les joueurs se disputaient la partie, lui restait fidèle à ses ouvrages.

 

En 1972, l’activité artisanale de Marcel s’essouffle. Il devient ouvrier communal pour la localité de Chiny. Mais cette fonction ne l’empêche pas de retourner à ses premiers amours : il consacre ses soirées à rajeunir les souliers usés.

De nos jours, la machine à coudre et la finisseuse de Marcel réparent les petits accrocs. Plus question de créer une chaussure :on achète, on abîme puis on jette. Même les matériaux sont de moindre qualité.Le plastique a remplacé le caoutchouc et a vaincu la semelle de cuir. La réparation est en plus difficile sur un plastique où la colle n’adhère pas. Mais peu importe, ses interventions restent appréciées. On vient de Florenville, de Chassepierre, de Muno mais aussi d’Herbeumont et de Virton pour sauver une paire de valeur (sentimentale).

La chaussure ne séduit plus les apprentis. Et dire qu’il y avait cinq cordonniers à Moyenquand Marcel s’est épris du métier. Sans compter la scierie, la saboterie, le maréchal-ferrant et la brasserie qui animaient Moyen et ses alentours jusque dans les années 60.Marcel parle de progrès et se tait sur ses conséquences.

bottom of page